jeudi 30 décembre 2010

C'était les années « 2000 ».

Et la neige nous était presque devenue exotique. On l'attendait impatiemment, cela sans pratiquement la voir. Et les étés, eux, étaient encore trop chauds ; caniculaires, fiévreux, crépusculaires. Et on nous rebattait les oreilles avec ce satané «réchauffement climatique»... C'était les années «2000».

Et deux tours s'effondrèrent, sous les yeux ébahis du monde. Et on nous parlait d'islamisme, d'intégrisme, de terrorisme. Et chacun, tout à coup, se redécouvrait une religion ; déistes ou athées, chrétiens ou musulmans, bouddhistes ou maçons... C'était les années «2000».

Et Loana batifolait avec Jean-Edouard, dans la piscine filmée du loft. Et de tels individus surgis de nulle part, d'un simple vote téléphonique, on faisait ainsi d'invraisemblables stars. Les Nolwenn, les Soan, les Marjorie, les benoît et les Robin... C'était les années «2000».

Et la Chine propulsa l'un des siens dans l'espace. Nous montrant combien elle s'était éveillée. Et le «made in China», naguère synonyme de piètre marchandise, s'inscrivit sur le moindre produit. L'Occident semblait avoir perdu sa séculaire suprématie... C'était les années «2000».

Et on tapait «Paris Hilton Sextape» dans la barre google. Et on postait nos propres vidéos sur YouTube ou Dailymotion, espérant un jour faire le buzz. Et on se construisait des blogs avec Blogger. Et enfin, suivant la prophétie d'Andy Warhol, on allait chercher notre ultime quart d'heure de célébrité sur Facebook... C'était les années «2000».

Et l’Amérique se fourvoyait de guerres en guerres. Et l’on aimait puis détestait l’Amérique, et l’on détestait puis aimait l’Amérique ; dignes schizophrènes européens que nous étions… Et ce légendaire Nouveau Monde – pour la première fois – nous apparaissait vieillissant ; son idéal semblait flétri, il commençait à avoir vécu… C’était les années «2000».

Et on téléchargeait sur Limewire, Emule, Kazaa ; Black Eyed Peas, 50 Cent, Lady Gaga… Autant de redites des années passées : 60, 70, 80. Autant de reprises éhontées. Autant de tours sur soi-même. Et ainsi tout passe et repasse, s'oublie et reparaît, de générations consanguines en générations dégénérées… C’était les années «2000».

Et l’excès se trouvait en tout. Tous étions shootés à tout. En film. En alcool. En musique. En shit. En télévision. En cocaïne. En bouffe. En web 2.0. En sexe. En ecstasy. En achats compulsifs… Et cetera, et cetera… Et nous avions largement dépassé le stade de l’hédonisme. Nous en étions à l’autodestruction, fière et totalement volontaire. La défonce érigée en idéal… C’était les années «2000».

Et on assistait au renouveau des séries télé. C’était Lost, c’était Prison Break, c’était Dr. House, c’était Les Experts, c’était Cold Case, c’était Desperate Housewives, et j’en passe… Et le petit écran se mit, comme jamais, à concurrencer le grand. Les vieilles stars hollywoodiennes se recyclaient sans pudeur dans la petite lucarne. Le vulgaire triomphait ainsi de l’ancienne noblesse… C’était les années «2000».

Et tout se mélangeait. Toute chose était brassée, sans distinction. Comme si un rouleau compresseur aplatissait tout sur son passage. C’était la mondialisation. Et elle était inéluctable, disait-on. Et il n’y aurait ainsi plus de différences entre riches ou pauvres, femmes ou hommes, races ou nations. Nous ne ferions qu'un. C’était l’heure du «Grand Tout». Sans ces antiques frontières, qui d’ailleurs n’était qu’arbitraires. Sans aucune limite, en prospérité, et ce où que l’on habite. Sans la moindre entrave morale, car l’absolue liberté – n’est-ce pas – se présente comme seul idéal… Et tout cela, et plus encore, c’était les années «2000»…