lundi 28 février 2011

Pour vous servir, moi, auteur et humble lecteur.

Je vais vous la jouer franc jeu, je nétais pas un dévoreur de livres. Quoiqu’on en pense. Et ça étonne beaucoup, généralement, lorsque je fais cet aveu. Moi qui voudrais pouvoir me dire écrivain Certes, lire, écrire, tous deux sont liés. Mais lun nentraîne forcément lautre. Le lecteur, aussi boulimique soit-il, ne se transforme toujours en auteur. La lecture napprend point lécriture. Ainsi ma plume nest pas née dans les livres. Ce sont au contraire mes propres mots qui mont conduit vers le monde des lettres.

Et si longtemps jai lu bien trop peu, cest que je craignais grandement les livres. Car je métais fait, à propos deux, la plus haute idée. Sans pour autant les déifier, mais tout comme. Tellement je voyais autour de moi des personnes pour les porter aux nues. En conséquence : ces beaux ouvrages – quels qu’ils soient – m’intimidaient. J’en regardais le dos, avec titre et nom d’auteur, enchâssé sur les rayons des bibliothèques. Mes mains caressaient parfois certaines couvertures, s’aventurant aussi à en feuilleter quelques-uns. Puis j’humais au plus près leurs étonnantes senteurs. Toujours avec respect. N’osant presque jamais les lire.

Leur simple lecture, d’ailleurs, me faisait fort peur. Je me défiais d’une telle activité. Parce que si les livres donnent à vivre en plus fort, lire équivaut aussi quelque part à mourir. Ou – tout au moins – vieillir, davantage. En esprit. Tant les mots nous sortent de l’insouciance. Mitraillent nos petites certitudes. Tout redoutables qu’ils sont… Quantités de bouleversements que je ne souhaitais connaître, à l’heure où ma vie s’en chargeait bien assez. Et c’est pour cela que vous me voyez encore jeune. N’étant vieux que d’une poignée de livres.

Vous allez me dire, alors : d’où j’ai pu apprendre les mots, moi qui aurais apparemment lu si peu… L’école ? Oh non ! Du tout ! La vie, plutôt ! L’existence. Car les mots sont partout. Dans les bouches de tout un chacun. Sur les murs des villes. Au revers d’un objet quelconque… Ainsi j’ai lu sur les affiches de cinéma. J’ai lu sur le fronton des grands monuments. J’ai lu sur les panneaux publicitaires. J’ai lu sur les lèvres des jolies femmes… Les mots ne tombent pas des livres. Ceux-ci n’en sont même pas l’écrin, tout au plus se trouvent-ils leur réceptacle. Et le moindre verbe exprimé, pour moi, n’est autre que de la littérature.

Durant de nombreuses années – dès lors – je me vantais de ne lire aucun livre ; y voyant un motif de fierté, au regard de ce que valaient mes écrits. C’était assez stupide, j’en conviens. Et je m’en repens. Car malgré tout j’ai lu. M’immergeant dans les quelques pages que la providence posait sur mon chemin. Et lorsque je lisais, ce n’était pas à moitié. Chaque lecture fut un plongeon. Presque une noyade. Dans les abysses d’un auteur. Son intime. Puisque c’est cela – non ? – lire ou écrire, c’est partager son esprit. L’ouvrir à une grande copulation d’idées. L’art est un viol moral et consenti. Où deux êtres, l’émetteur et le récepteur, s’interpénètrent.

Mais je n’étais pas un bibliophage, comme je ne suis point davantage un graphomane. N’ayant jamais apprécié ce jeu, où c’est à qui aurait lu le plus et les meilleurs. Non. Il faut rejeter ces dictatures actuelles, diktat de la quantité et du mouvement perpétuel. Moi je lis comme j’écris ; lentement, calmement. J’agis en tout comme je vis, le plus humblement. C’est ainsi qu’on profite au mieux des choses.

Je me suis mis à beaucoup lire, Néanmoins. Je lis résolument. C’est tel un besoin, désormais. Ayant compris ce que cet acte avait d’essentiel, combien il incarne le plus brillant exercice pour l’intellect. A croire même que mon esprit aurait déjà vieilli, tant désormais il réclame des livres – en permanence – pour pouvoir se maintenir. Alors je mets souvent mes mots en jachère, afin de parcourir les sillons déjà tracés. Champs d’autrui. Chants étrangers. Dont je m’abreuve… Transvasant ensuite l’engrais récolté, des pages lues vers celles que je produis.

Et je vais vous faire une confidence ultime : je suis homme de foi, je crois en les livres. Je me prends pour tous les héros de roman. La moindre lecture me transforme. Ainsi j’ai déjà vécu mille fois. Et je mourrai encore de même. Mille fois. Et j’aime les titres de livres. Comme j’aime le nom des auteurs… Oui, j’aime la littérature.

[ Et vous pourrez désormais suivre mes critiques littéraires sur ce nouveau blogue : http://hommeslitteraires.wordpress.com/ ]

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire